Pierre-Éric Sutter, psychologue, et Marion Robin, pédopsychiatre, ont été interviewé par Mathilde Debry du magazine Mieux vivre santé. Ils livrent leurs conseils pour lutter contre l’éco-anxiété, qui touche de plus en plus de personnes.
Disparition de la biodiversité, réchauffement climatique, fin de l’humanité… Selon une nouvelle étude publiée par la revue « The Lancet Planetary Health », 45 % de jeunes sondés dans dix pays différents affirment que l’éco-anxiété affecte leur vie quotidienne.
« L’origine de l’éco-anxiété est un élargissement du champ de conscience : ce sont des personnes qui, tout à coup, réalisent que l’humanité est en train de se tirer une balle dans le pied avec son mode de fonctionnement actuel », explique le psychologue Pierre-Éric Sutter. « L’éco-anxiété n’est pas une pathologie psychiatrique, mais c’est un état de stress intense qui peut conduire à des maladies telles que la dépression », poursuit le spécialiste, qui reçoit de plus en plus de personnes atteintes de ce mal dans son cabinet. « Je vois bien sûr des jeunes en consultation, mais pas que. Et je constate que l’éco-anxiété touche autant les hommes que les femmes, notamment lors d’événements climatiques extrêmes, comme par exemple le dôme de chaleur de l’été dernier », précise-t-il. Bonne nouvelle cependant, souffrir d’éco-anxiété n’est pas une fatalité. Voici quelques conseils pour y faire face :
1/ Partager ses inquiétudes
Parler de ses angoisses avec une tierce personne est souvent salvateur, qu’il s’agisse d’un ami, d’un collège ou d’un membre de sa famille. « Pour les adolescents très inquiets vis-à-vis de notre futur environnemental, partager ce mal-être avec leurs parents peut les aider à faire diminuer l’anxiété », abonde le Dr Marion Robin, pédopsychiatre. « S’ils voient que leur enfant dysfonctionne, les parents doivent donc essayer de le sécuriser dans le but de créer un dialogue », poursuit-elle.
2/ Eviter de trop consommer d’informations
Cop 26, catastrophes naturelles… La boulimie informationnelle que permettent aujourd’hui les réseaux sociaux et les médias peut être génératrice de stress. « Il faut donc limiter les sources, en privilégiant la qualité à la quantité », conseille Pierre-Éric Sutter.
3/ Ne pas se couper du monde
A l’inverse, il est recommandé de ne pas se couper du monde en zappant chaque fois qu’il est question d’environnement. Car là aussi, avancer dans le noir peut être générateur d’éco-anxiété. « Il faut également éviter l’isolement social : suite à leur prise de conscience, certains éco-anxieux se mettent à accabler leur entourage, en expliquant qu’ils sont tous des nuls, qui ne voient pas que l’humanité court à sa perte, etc… Ce qui, au final, empire leur mal-être », ajoute Pierre-Éric Sutter.
4/ S’engager dans un éco-projet
Nos deux personnels de soins sont d’accord sur ce point : s’engager dans un projet en faveur de l’environnement, quel qu’il soit, est le meilleur moyen de faire taire son éco-anxiété. Cela peut par exemple être de manger moins de viande, de mieux trier ses déchets, de militer dans une association écologique, etc… « Il existe un lien entre le niveau d’engagement dans l’action et notre façon de percevoir les choses. Les personnes ayant par exemple un degré de lucidité très important sans aucune sphère de réalisations concrètes sont celles chez qui le niveau d’angoisse environnementale est maximal », explique Marion Robin. « Pour aider leur enfant inquiet, les parents peuvent ainsi mettre en place des projets familiaux en faveur de l’environnement. J’encourage également les actions locales, car elles sont concrètes et ont des résultats plus visibles, ce qui apaise davantage », poursuit la spécialiste.
« Avant de se lancer dans un éco-projet, je conseille de réfléchir à ce que sont nos vraies valeurs. Plus l’engagement y correspond, plus le bien-être généré par cette démarche est important », ajoute Pierre-Éric Sutter.
5/ Préserver son équilibre de vie
Si le militantisme peut être un bon anti-stress environnemental, il faut tout de même faire attention à ne pas tomber dans un engagement trop extrême, rejetant complètement tout ce qui ne correspond pas aux valeurs écologiques. « L’idée est de construire ici une passion harmonieuse, sans tomber dans une passion dévorante, qui, en générant un déséquilibre, crée au final du mal-être », précise Pierre-Éric Sutter.
6/ Regarder les témoignages d’autres éco-anxieux
Autre conseil pour ceux qui sont dévorés par le stress environnemental : regarder ou lire des témoignages d’éco-anxieux qui s’en sont sortis. « Cela donne des solutions et de l’espoir », explique Pierre-Éric Sutter.
7/Consulter un psy
De nombreux éco-anxieux arrivent à juguler leurs angoisses seuls. Néanmoins, dans certains cas, consulter un psychologue peut s’avérer nécessaire. « Il faut prendre rendez-vous avec un médecin quand on a l’impression de perdre vraiment pied, et que les actions que l’on a pu mettre en place seul ne suffisent plus à maîtriser les émotions négatives », explique Marion Robin. « Depuis que je me suis spécialisé sur l’éco-anxiété en 2018, j’ai mis en place des exercices concrets qui permettent de lutter contre cet état de stress intense. Souvent, 7 à 8 séances suffisent », conclut Pierre-Éric Sutter.
Pour en savoir plus sur la définition de l’éco-anxiété que donne Pierre-Eric Sutter, lire le post.
Commentaires récents