Nos frayeurs peuvent être le début d’une prise de conscience
Dans leur ouvrage, Pierre-Eric Sutter et Loïc Steffan considèrent les mécanismes mentaux en œuvre qui freinent la prise de conscience des effondrements, ainsi que le passage à l’acte susceptible d’en résulter.
Le Livre. Voici un sujet auquel vous aurez difficilement échappé. Des étals des librairies aux chaînes YouTube, des articles aux groupes de réseaux sociaux, votre œil a sans doute déjà été accroché par la collapsologie. Difficile de faire plus anxiogène : il s’agit, tout simplement, de l’effondrement possible de notre civilisation.
Pourquoi, malgré nos savoirs rationnels et intellectuels sur la question, accessibles à tous, perdurons-nous dans nos habitudes délétères ? Pourquoi continuons-nous à faire allégeance au mythe capitalisto-consumériste, « cette fable de la croissance infinie dans un monde aux ressources finies » ? Autant de questions soulevées par Pierre-Eric Sutter et Loïc Steffan dans N’ayez pas peur du collapse (Desclée de Brouwer).
Pour qui s’informe rapidement sur le sujet, il est aisé de savoir que les atteintes à l’environnement sont telles « qu’elles menacent l’humanité ; notre civilisation, telle qu’elle s’est construite depuis la première révolution industrielle, est potentiellement en train de s’effondrer », soulignent le psychologue-psychothérapeute et le professeur d’écogestion.
Si nous ne réduisons pas nos déplacements en voiture pour aller travailler ou en avion pour partir en vacances, nous allons rejeter des gigatonnes de gaz à effet de serre. Nos forêts peinent à les absorber et cela accroîtra avec une grande certitude la température de l’atmosphère. Au vu du bien trop peu de décisions prises à l’issue de la COP25, force est de constater que, malgré ces connaissances, nous nous évertuons à faire comme si de rien n’était.
Cheminement singulier
Après une analyse sur la façon dont la collapsologie bouleverse notre savoir et nos croyances sur le lien de notre société thermo-industrielle avec l’environnement, l’ouvrage considère les mécanismes mentaux à l’œuvre qui freinent la prise de conscience des effondrements ainsi que le passage à l’acte susceptible d’en résulter. « Le discours rationnel sur le collapse peut entraîner une souffrance, essentiellement mentale – peur, anxiété ou angoisse, et donc influer sur la conduite à tenir, fort de ces informations. »
Changer de mode de vie pour que les comportements du quotidien soient plus durables et soutenables est possible ; c’est ce que montre le cheminement singulier parcouru par les personnes interviewées par les cofondateurs de l’Observatoire des vécus du collapse (Obveco). Ainsi de cette conservatrice du musée victime d’un burn-out dont l’effarement est en partie causé par la lecture d’un ouvrage sur la collapsologie.
Pierre-Eric Sutter, spécialiste en thérapie existentielle, lui recommande de passer à l’action en s’appuyant sur la nouvelle hiérarchie de valeurs, à forte coloration écologique, qui a ébranlé sa vision du monde. La patiente opère alors une véritable mue, tant extérieure qu’intérieure : l’ancienne élégante directrice de musée est désormais une agricultrice en salopette, cultivant des légumes dans un jardin partagé, prête à abandonner son statut de fonctionnaire. A partir de là, sa guérison est rapide.
Nos frayeurs peuvent être le début d’une prise de conscience qui mène à l’action juste pour notre avenir, si nous parvenons à les canaliser en une énergie constructive, soulignent les auteurs, qui invitent à sortir de la « collapsophobie » pour épouser une nouvelle forme d’authenticité et de sagesse : la « collapsosophie ».
« N’ayez pas peur du collapse », de Pierre-Eric Sutter et Loïc Steffan, Desclée de Brouwer, 256 pages, 18 euros.
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