Dans le cadre de notre étude, nous avions émis l’hypothèse que l’on pouvait retrouver chez chaque individu un trait plutôt optimiste ou pessimiste, et un trait plutôt actif ou passif. Même si cette classification peut encore être améliorée, je trouve qu’elle offre un excellent point de départ pour comprendre les attitudes face à un problème comme l’effondrement. Plus particulièrement, j’ai appris à repérer les signes de ce que nous appelons la foi individuelle et la foi collective : à quel point nous pensons que nous pouvons avoir un impact à l’aide d’actions individuelles et d’actions de groupe.

« Vegan ? Et puis quoi encore ? C’est pas parce que je vais prendre une endive à la place du saucisson que la planète va aller mieux. Ce sont les grands pollueurs qu’il faut toucher. »

C’est un raisonnement que l’on entend souvent, et qui mérite d’être étudié. Après tout, il y a un fond de vérité : avec plus de 116 000 tonnes de saucissons produits en 20181, un petit cylindre séché ne représente qu’une quantité infinitésimale. Pas assez, naturellement, pour que la menace de choisir l’endive ne mette Big Charcuterie à genoux.

D’un autre côté, nous savons que les consommateurs peuvent avoir une influence sur les marchés : les options végétariennes et vegan sont déjà bien plus nombreuses aujourd’hui qu’il y a 20 ans, de même que les options bio et sans gluten. Et pourtant, l’apparition de ces options n’a pas été exigée par un mouvement de masse : c’est le résultat de revendications et de choix individuels.

« Si tout le monde le fait, ça fonctionne. Mais peut-on faire confiance aux autres pour suivre en même temps que nous ? ». Il s’agit, somme toute, d’une variation du dilemme du prisonnier.

Nous nous retrouvons donc dans la même impasse que lorsque nous considérons notre vote pour des élections présidentielles. Si nos idées sont alignées avec celles d’une petite candidate qui n’a “aucune chance” de l’emporter, faut-il tout de même voter pour elle ? Ou faut-il se ranger dans le “vote utile” ? Devrions-nous nous comporter de manière plus responsable vis-à-vis de l’environnement, ou devrions-nous d’abord faire tomber les 10 entreprises les plus polluantes ?

Vers un optimisme actif : quand l’action individuelle devient une action de groupe

Pour répondre à la question, je pense qu’il est indispensable considérer le fait suivant : une action individuelle ne signifie pas que son impact est lui aussi individuel. Discutons du phénomène de conformisme, un concept vieux comme la psychologie sociale. Déjà en 1956, l’expérience phare2 de Solomon Asch concluait qu’environ 37% des participants montraient une tendance au conformisme face à une majorité unanime (même si l’avis de la majorité est clairement erroné). Bien qu’il soit absolument sain de débattre et d’échanger les idées, nous sommes potentiellement influencés par les actions d’autrui. D’ailleurs, le simple fait d’ajouter un graphique qui compare votre consommation d’énergie à la consommation moyenne de votre quartier sur votre facture permet de réduire la demande générale en électricité de 1,8%, et ce sans exiger quoi que ce soit3.

Il est raisonnable de penser que nous nous comportons de manière plus responsable lorsque nous sommes entourés de personnes soucieuses quant aux problématiques environnementales. Finalement, le plus pernicieux dans l’effet de conformisme, c’est que nous pouvons nous conformer à ce que nous pensons être l’opinion majoritaire : si nous avons l’impression que la plupart des gens n’en ont rien à faire et continuent de mener un train de vie irresponsable, pourquoi se priver ? Malheureusement, ce raisonnement mène à une dilution du sentiment de responsabilité et à l’immobilité collective. À l’inverse, agir à l’échelle individuelle, c’est augmenter la probabilité – même faible – que l’on nous prenne en exemple.

Je ne dis pas là que les actions de groupe sont inutiles. J’affirme, cependant, qu’elles ne doivent pas être le seul recours. Notre responsabilité individuelle – techniquement 0,0000015% par citoyen français – va au-delà de nos actions : elle inclut notre rôle en tant qu’exemple.

Ceci étant dit, je pense qu’il est nécessaire de distinguer les problématiques qui sont hors de notre contrôle individuel. Là où nos choix peuvent mener à une alimentation plus responsable et une consommation de ressources plus intelligente, une adaptation au niveau gouvernemental est aussi nécessaire pour sortir de notre dépendance aux énergies carbonées ou encore développer les réseaux de transports en commun. Une foi simultanée dans les actions individuelles et collectives est justement le propre de ceux que nous appelons désormais les “optimistes-actifs” dans les recherches de l’OBVECO.

 


  1. Statistiques production FICT 2018 (saucisses et saucissons autres que de foie).
  2. Asch, S. E. (1956). Studies of independence and conformity: I. A minority of one against a unanimous majority. Psychological monographs: General and applied, 70(9), 1.
  3. Davis, M. (2011). Behavior and energy savings. Evidence from a Series of Experimental Interventions.

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